La réglementation sur la com’ environnementale

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La communication environnementale est encadrée à la fois par des lois et par des normes. Un certain nombre de textes sont parus ces trente dernières années, tant en France qu’à l’étranger. Nous allons nous focaliser sur certains d’entre eux, en particulier sur ceux qui concernent la communication.

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La réglementation en France

Le droit à l’information et les mesures visant à une concertation avec le public apparaissent en premier lieu dans un texte concernant la gestion des déchets. Il s’agit de la loi du 15 juillet 1975 sur les déchets :

« toute personne a droit à une information sur les nuisances générées par l’activité des déchets et sur les mesures prises pour les prévenir ou les compenser » (loi du 15 juillet 1975, article 3.1).

Cet article de la loi de 1975 est ensuite repris dans la loi du 30 décembre 1988 qui stipule que :

« toute personne a le droit d’être informée sur les effets prévisibles pour la santé de l’homme et l’environnement, du ramassage, du transport, du traitement, du stockage, et du dépôt des déchets ainsi que les mesures prise pour prévenir ou compenser ces effets » (loi du 30 décembre 1988).

Ces deux lois concernent à la fois les collectivités chargées de traiter les déchets de leurs administrés, et les entreprises exploitantes de sites de traitement des déchets.
La loi du 13 juillet 1992 complète cela en indiquant qu’il s’agit :

« (d’)assurer l’information du public sur les effets pour l’environnement et la santé publique des opérations de production et d’élimination des déchets, sous réserve des règles de confidentialité prévues par la loi, ainsi que sur les mesures destinées à en prévenir ou à en compenser les effets préjudiciables » (loi du 13 juillet 1992).

Elle précise les devoirs d’information concernant l’exploitant. Le traitement des déchets doit s’accompagner de :

« la communication par l’exploitant d’une installation d’élimination de déchets des documents établis dans le cadre de la loi no 76-663 du 19 juillet 1976 précitée permettant de mesurer les effets de son activité sur la santé publique et sur l’environnement et exposant les mesures prises pour supprimer ou réduire les effets nocifs des déchets » (loi du 13 juillet 1992).

Le droit à l’information trouve un prolongement important dans l’obligation de la création d’organes de concertation, au sein de deux textes, la loi du 13 juillet 1992, et le décret du 30 décembre 1993. Cette réglementation concerne la plupart des installations classées spécialisées dans le traitement de déchet (cf. chapitre Concertation).

En ce qui concerne les entreprises de tout type, c’est-à-dire non spécialisées dans le domaine de l’environnement, on constate que différentes réglementations sont en vigueur à l’échelle internationale. Même si la publication de données environnementales par les entreprises peut être d’origine volontaire, elle correspond le plus souvent à l’entrée en bourse des multinationales. Cette caractéristique financière se traduit en effet par l’obligation de ce type de publication. Suez en constitue d’ailleurs l’exemple parfait : Suez est entrée en Bourse en septembre 2001 et a publié son Rapport environnement 2001 en 2002.

La réglementation à l’étranger

Au niveau européen, on constate que depuis 1998, aux Pays-Bas, une nouvelle loi a instauré l’obligation de publier un rapport annuel environnemental destiné à la fois aux autorités et au grand public. D’autres pays imposent uniquement un rapport destiné à l’administration comme le Danemark pour les sociétés cotées en bourse qui présentent un risque environnemental. En Belgique, dans les Flandres, les coordinateurs environnementaux des grandes entreprises doivent rédiger un rapport annuel interne, destiné à la direction et au conseil d’entreprise. En Norvège, pour toutes les entreprises, quelles que soient leur taille et leur activité, il y a obligation de publier ce type de document. Et dans ce contexte les entreprises n’hésitent pas à faire part de leurs progrès, mais aussi des difficultés qu’elles ont rencontrées, voire de leurs échecs.

La loi NRE

En France, la loi relative aux Nouvelles Régulations Economiques et au droit des actionnaires du 25 mai 2001, ou loi NRE, donne une dimension réglementaire à la publication de données environnementales. Concernant uniquement les sociétés française cotées sur un marché réglementé, l’article 116 du texte de loi fixe l’obligation de rendre compte de la gestion sociale et environnementale des activités de l’entreprise, au sein de son rapport annuel :

« Le rapport (…) comprend également des informations, dont la liste est fixée par décret en Conseil d’Etat, sur la manière dont la société prend en compte les conséquences sociales et environnementales de son activité. Le présent alinéa ne s’applique pas aux sociétés dont les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé » (loi NRE).

Cela se concrétise principalement par la publication de rapports environnementaux, parfois insérés au sein du rapport annuel.

De fait, les sociétés françaises cotées en bourse doivent désormais inclure dans leur rapport annuel (à compter de celui portant sur l’exercice 2002), une série d’informations sociales, mais aussi des informations relatives aux conséquences de leurs activités sur l’environnement, données en fonction de la nature de cette activité et de ses effets.
Les thématiques environnementales concernées sont les suivantes : les consommations de ressources en eau, en matières premières et en énergie, les rejets dans l’air, l’eau et le sol, l’utilisation des sols, les déchets, le bruit, les odeurs.
Ces normes portent aussi sur les démarches d’évaluation ou de certification menées, les mesures prises pour améliorer l’efficacité énergétique et le recours aux énergies renouvelables, pour limiter les atteintes aux écosystèmes et aux espèces protégées, pour assurer le respect de la législation et de la réglementation en vigueur.
L’entreprise est tenue également de mentionner les dépenses engagées pour prévenir les conséquences de ses activités, l’organisation interne relative à la gestion et la réduction des risques environnementaux, la formation et l’information des personnels, le montant des provisions et garanties pour risques, ainsi que celui des indemnités versées suite à une décision judiciaire.
Il est demandé à l’entreprise de renseigner les objectifs environnementaux de ses filiales à l’étranger.

L’article 116 de la loi NRE vise ainsi à favoriser l’intégration de l’environnement dans la stratégie des entreprises. Il constitue un encouragement envers les actionnaires pour la promotion de l’environnement au sein de l’entreprise, par leurs votes et leurs vœux au sein des assemblées générales et, plus généralement, par les pressions qu’ils sont susceptibles d’exercer sur les directions des entreprises.

Les normes

On distingue essentiellement deux normes environnementales proposant des dispositifs communicationnels : la norme EMAS et la série de normes Iso 14 000. Ces normes concernent principalement le monde de l’entreprise.

La norme EMAS. Cette norme existe depuis 1993 et ne concerne que les pays d’Europe. Elle oblige à la publication d’une déclaration environnementale. Il s’agit d’une déclaration exprimant la politique environnementale de l’organisation. Ce document doit être validé par une entité extérieure à l’organisation. La norme EMAS met l’accent sur l’information des tierces parties par l’entreprise.
La série de norme ISO 14000. En 1996 apparaissent les normes internationales de la série ISO 14000. Elles portent sur différents aspects des préoccupations environnementales : les systèmes de management environnemental, le rapportage des performances environnementales de l’entreprise (ISO 14001, 14004, 14031). La norme ISO 14063 est plus spécifiquement dédiée à la communication environnementale.
À la différence de la norme EMAS, les normes ISO 14000 mettent l’accent sur la publication de données chiffrées, à diffuser dans un rapport spécifique.

Le point commun de ces deux types de normes est qu’elles visent chacune une amélioration constante des performances environnementales des organisations certifiées.
Elles peuvent aussi être considérées comme la première ébauche d’une stratégie intégrée de durabilité écologique (selon l’expression consacrée par la Commission à l’environnement et au développement durable de l’OCDE). La norme ISO 18 000, conduisant à l’élaboration d’un système de management intégré (SMI), finalise cette approche.

Pour mieux connaître les situations particulières de chaque pays européen, mais aussi le contexte d’élaboration de ces normes, nous invitons à parcourir l’ouvrage d’Aurore Moroncini [[MORONCINI Aurore, Stratégie environnementale des entreprises. Contexte, typologie, et mise en œuvre, Presses polytechniques et universitaires romandes, coll. Gérer l’environnement, Lausanne, 1998. »]].

Concertation

L’existence de conflits autour d’un certain nombre de sujets liés à la thématique environnementale, comme le nucléaire, mais aussi les déchets ou le risque industriel, ont encouragé l’État à chercher des solutions de pacification. Cela a abouti principalement à la création d’organes de concertation, au niveau local, dont on observe principalement trois formes :

— Des SPPPI (Secrétariat permanent pour la Prévention des Pollutions Industrielles) concernant les risques industriels, et ce depuis les années 70. Ces organes ne possèdent pas de statut, ils ne sont pas liés à une obligation légale. C’est pourquoi ils sont « concurrencés » depuis peu par les CLIC (Commission Locale d’Information et de Concertation), présentées en projet de loi en juillet 2002, dispositif faisant suite à l’accident de septembre 2001 à Toulouse. Il s’agit formaliser, à travers un cadre juridique, les dispositifs existants.
— Des Commissions Locales d’Information pour les grands équipements énergétiques.
— Des Commisssions Locales d’Information et de Surveillance pour les installations classées dans le domaine du déchet.

Nous allons nous focaliser sur les Commissions Locales d’Information et de Surveillance dans le secteur du déchet.
En 1983, une circulaire est rédigée par le ministre de l’environnement en place, Madame Huguette Bouchardeau, à l’attention des préfets. Cette circulaire fait référence à l’existence de d’organes de concertation, dénommés « comités de suivi » ou encore « commissions de concertation », créés localement au gré de situations particulières rencontrées par les autorités, dans le but de faire face au mécontentement de riverains. La circulaire s’inspire de ces formes de communication en incitant très vivement les préfets de département à prendre des dispositions visant à informer et à associer le public aux décisions concernant l’élimination des déchets industriels :

« Certains d’entre vous ont d’ores et déjà pris l’initiative de mettre en place, en collaboration avec les élus concernés, des commissions d’information associant des représentants des associations de défense de l’environnement constituées par les riverains et des représentants de l’exploitant. Si le besoin s’en fait sentir, je vous recommande de recourir à cette pratique chaque fois qu’elle vous paraîtra de nature à instaurer un climat de confiance et d’objectivité » (circulaire du 22 juillet 1983 du Ministère de l’Environnement).

Les Commissions Locales d’Information et de Surveillance, principal outil visant à mettre en œuvre le principe d’information énoncé dans la loi de 1975, ne sont donc pas une invention nouvelle de cette circulaire.
Le texte explique aussi :

« Les installations d’élimination de déchets industriels, qu’il s’agisse de décharges ou de centres d’incinération et de détoxication, suscitent souvent la méfiance des habitants les plus proches. L’affaire des déchets de Seveso a soulevé une très vive émotion dans l’opinion publique et avivé l’inquiétude des riverains de ces installations. » (circulaire du 22 juillet 1983 du Ministère de l’Environnement).

La question de la confiance entre les différents acteurs en présence est ainsi au cœur de la préoccupation de cette circulaire. Parmi les solutions évoquées pour une meilleure information, la ministre encourageait la mise en place de dispositifs particuliers d’information. C’est un peu plus tard que la loi de 1992 va donner le cadre et le contenu précis à ce type de commission :

« Ce droit [à l’information] consiste notamment en la création, sur tout site d’élimination ou de stockage de déchets, à l’initiative soit du représentant de l’Etat, soit du conseil municipal de la commune d’implantation ou d’une commune limitrophe, d’une commission locale d’information et de surveillance composée, à parts égales, de représentants des administrations publiques concernées, de l’exploitant, des collectivités territoriales et des associations de protection de l’environnement concernées; le représentant de l’Etat, qui préside la commission, fait effectuer à la demande de celle-ci les opérations de contrôle qu’elle juge nécessaires à ses travaux, dans le cadre de la présente loi ou de la loi no 76-663 du 19 juillet 1976 précitée; les documents établis par l’exploitant d’une installation d’élimination de déchets pour mesurer les effets de son activité sur la santé publique et sur l’environnement sont transmis à la commission; les frais d’établissement et de fonctionnement de la commission locale d’information et de surveillance sont pris en charge par le groupement prévu à l’article 22-4, lorsqu’il existe ; en cas d’absence d’un tel groupement, ces frais sont pris en charge à parité par l’Etat, les collectivités territoriales et l’exploitant. » (Loi du 13 juillet 1992).

Le décret du 30 décembre 1993 définit les modalités de fonctionnement d’une CLIS. Les membres d’une Commission Locale d’Information et de Surveillance (CLIS) sont nommés par arrêté du Préfet du département. Comme le texte d’introduction de la circulaire de 1983 l’explique déjà, une CLIS n’a d’intérêt, et, dans les faits, n’a d’existence, que par rapport à son lien à une  » installation classée  » particulière. Le préfet seul a le pouvoir d’étendre les compétences d’une CLIS à une ou plusieurs installations classées. Le décret de 1993 prévoit le rôle de la CLIS et ses capacités d’expertise (article 8), le type de document qui doivent être rédigées pour satisfaire le droit à l’information du public ainsi que leurs modalités de consultation (articles 2, 3 et 4), la composition de la CLIS (article 5 et 6). Son mode de financement est présenté dans l’article 3-1 de la loi de juillet 1992.

Il est à noter que la loi s’inspire donc de structures déjà existantes qui ont émergé localement, dans les contextes particuliers qui les ont suscités. Ce mouvement d’encadrement par le législateur accompagne ainsi les réalités locales, les encourage et les facilite.

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